ScanCRT : une fonte inspirée par une contrainte forte et par les tubes cathodiques

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Exemple d’utilisation (à visualiser en plein écran) :

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J’ai récemment dessiné une nouvelle police de caractères : ScanCRT. J’avais commencé à en dessiner dans les années 80, sur du papier à petits carreaux, pour les intégrer dans des logiciels que je développais. Au début des années 90, j’en avais distribué quelques-unes, non pas sur le Web… mais sur BBS. Il s’agissait de fontes matricielles stockées dans des fichiers .com pour DOS (les précédentes étaient sur cassette…).

En 2001, j’ai conçu une nouvelle police de caractères pour un moteur de jeu vidéo en Java sur lequel je travaillais (Loqness). Je m’étais basé sur une contrainte forte liée à ce moteur : n’utiliser pour chaque caractère que les 12 segments d’un carré et ses diagonales (quatre côtés, chacun divisé en deux, et deux diagonales, chacune divisée en deux). Le style obtenu m’avait plu : des majuscules assez carrées et des minuscules plus proches d’un losange. Mais certaines distinctions étaient parfois difficiles, par exemple pour le X et le Z.

Alors, quand je suis reparti de cette contrainte pour dessiner ScanCRT, j’ai pris quelques libertés, tout en restant dans l’esprit. Et j’ai ajouté un rendu particulier : celui des écrans à tube cathodique (qui affichent des lignes de balayage caractéristiques).

ScanCRT est disponible en huit versions : normal, gras, léger, léger gras, petit normal, petit gras, petit léger, petit léger gras. Cette police est surtout prévue pour les titres (grandes tailles). Pour avoir un rendu cohérent avec l’idée des tubes cathodiques, une couleur claire sur fond noir est conseillée (voir les illustrations). Au fait, quelle version préférez-vous ?

ScanCRT est distribuée au format TTF (True Type Fonts) sous licence Creative Commons Attribution ici :

Caractériser le rendu des jeux vidéo sur écran cathodique

Depuis la sortie de mon premier livre sur les jeux vidéo en 2001, je travaille sur le deuxième. J’en parlais ici il y quelques années et je reviens sur le sujet car le projet se précise de plus en plus. L’idée de départ est de produire un support de conservation du rendu si particulier des jeux vidéo sur écran cathodique. J’ai ainsi sélectionné des jeux et je les ai photographiés sur une télévision. Dans le livre, ces photos seront accompagnées par des notices et un texte sur l’approche.

En 2008, j’avais répondu aux questions du magazine Amusement et, pour la publication de l’interview, j’avais fourni des images comparant le rendu avec un émulateur (sans activer les filtres disponibles) et le rendu sur un écran cathodique. Je reprends aujourd’hui ces images (voir ci-dessous). C’est l’occasion de faire la comparaison et ainsi de caractériser le rendu des jeux vidéo sur écran cathodique. Le cadre d’étude étant : des jeux tournant sur des machines 8 ou 16 bits à affichage par balayage (donc non vectoriel).

Les images ci-dessous correspondent aux jeux suivants :
  • Castlevania sur Nintendo Entertainment System (NES, Famicom) ;
  • Fantasy Zone sur Sega Master System (Mark III) ;
  • Golden Axe sur Sega Mega Drive (Genesis) ;
  • Out Run sur Sega Mega Drive (Genesis) ;
  • PC Kid 2 (PC Genjin 2, Bonk’s Revenge) sur Nec PC Engine (TurboGrafx-16).
Caractéristiques

Tout d’abord, voici un ensemble de caractéristiques liées aux tubes cathodiques et que l’on retrouve dans mes photos :
  • lignes de balayage : l’affichage se fait par balayage horizontal et l’on perçoit nettement les lignes que cela produit (voir par exemple le ciel de Out Run) ;
  • niveau de luminosité : étant donné que les lignes de balayage sont un peu écartées, le rendu est globalement moins lumineux que le rendu de base d’un émulateur (voir par exemple le blanc du ciel de Fantasy Zone) ;
  • rondeur des détails et douceur globale : un pixel sur un écran cathodique n’est pas carré, il est plutôt rond (comparer par exemple les points blancs à l’horizon dans Out Run), ce qui procure un rendu beaucoup plus doux (comparer par exemple les fleurs de PC Kid 2) ;
  • diffusion de la lumière : la lumière se diffuse légèrement autour de chaque pixel affiché (pas très visible sur les images ci-dessous).

D’autres caractéristiques, liées à la qualité de l’écran :

  • décalages des couleurs : les trois composantes de chaque pixel ne sont pas toujours précisément affichées au moment endroit (voir par exemple le texte dans Castlevania, le rouge est décalé à gauche et le bleu à droite) ;
  • tremblements : pour diverses raisons, l’affichage peut ne pas être tout à fait stable ;
  • dédoublement : il peut y avoir comme une image fantôme plus ou moins décalée (voir les palmiers de Out Run).
Enfin, des caractéristiques que l’on ne retrouve pas dans mes photos (je les ai évitées pour les photos comme je les évite quand je joue) :
  • reflets : comme sur un écran plat brillant ;
  • bordure : espace vierge entourant la zone d’affichage du jeu ;
  • courbure : les dernières télévisions cathodiques étaient plates, mais pas les précédentes.
On pourrait ajouter la rémanence et des caractéristiques plus fines, mais l’essentiel concernant mes photos y est.

Style

Le rendu des jeux vidéo sur écran cathodique est fortement marqué au niveau du style par :
  • la qualité d’émission du signal vidéo (le signal vidéo d’une NES est par exemple connu pour ses couleurs qui bavent) ;
  • le type de ce signal (une sortie péritel RGB apporte par exemple une plus grande précision qu’une sortie composite) ;
  • la façon avec laquelle il est affiché par l’écran cathodique (l’écran peut par exemple généré un léger dédoublement).
À chaque niveau, plusieurs composantes stylistiques se manifestent pour produire le rendu qui nous intéresse ici.

D’un côté (à gauche sur les images ci-dessous) : la mémoire vidéo du système de jeu nous est affichée, avec fidélité. De l’autre côté (à droite sur les images) : la rencontre d’un signal vidéo avec un tube cathodique se manifeste. Cette rencontre correspond à l’expérience de jeu de l’époque, mais aussi au contexte de création de ces graphismes (du côté des auteurs). Conserver ce rendu, c’est donc conserver une esthétique, des sensations visuelles, mais aussi les intentions des artistes.

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Quelques photos sélectionnées pour une exposition

Des étudiants ont organisé à Compiègne une exposition de photos sur le thème de l’éphémère et j’ai été invité à proposer mes images. Voici donc ma sélection ainsi que le texte accompagnant les photos.

Cette sélection de photos se base sur une série que j’ai réalisée entre 2003 et 2005. Il s’agissait d’une démarche esthétique : représenter avec des photos certaines de mes sensations visuelles. Le temps de ces sensations – ponctuelles – s’est traduit sur le plan technique avec des poses un peu longues. C’est pourquoi j’avais intitulé cette série : Deux secondes. Voici quelques-unes de ces photos, accompagnées par d’autres, plus récentes, qui correspondent à la même démarche. Pour chaque photo, j’ai fait plusieurs prises de vues. Mais j’ai toujours gardé la première. C’est à chaque fois celle qui a figé la sensation visuelle. Même si les suivantes pouvaient me sembler plus réussies techniquement et esthétiquement, elles s’éloignaient forcément de la référence posée par la première. Aujourd’hui, pour ce type de photo, je double simplement par sécurité. Concernant les traitements, il n’y en a presque pas. Parfois un léger recadrage, parfois un réglage des couleurs ou du contraste. Finalement, le sujet de toutes ces photos se dégage assez simplement : la lumière.

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Date : 19/12/2003

Lieu : Départementale 104

Sujet : Lumière des phares et dernières lueurs du jour dans les nuages

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Date : 02/11/2007

Lieu : Parc Algonquin (Canada)

Sujet : Lumière de fin de journée rasant un cours d’eau

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Date : 09/04/2005

Lieu : Forêt autour de Pierrefonds

Sujet : Le ciel et des nuages obscurcis par des branches d’arbres

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Date : 03/04/2003

Lieu : Autoroute A1

Sujet : Lumières d’une ambulance à l’arrêt

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Date : 08/06/2007

Lieu : Anglet

Sujet : Le soleil et ses reflets sur l’océan

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Date : 19/04/2003

Lieu : Forêt autour de Pierrefonds

Sujet : Troncs d’arbres lumineux

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Date : 13/07/2003

Lieu : Discothèque Le Diam’s (route de Soissons)

Sujet : Lumières de la piste de danse

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Date : 12/07/2005

Lieu : Pyrénées

Sujet : Éclats de lumière sur l’eau d’un torrent

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iPhone 3GS ou Canon EOS 5D Mark II ? Rassemblement de traces ou recherche esthétique ?

Je me baladais dans la forêt autour de chez moi… Et là, stupeur : je n’avais pas pris mon appareil photo ! D’où le dilemme suivant : faire demi-tour pour aller le chercher ou continuer avec mon iPhone 3GS ? Argument pour la première possibilité : la nuit tombait. Argument pour la seconde possibilité : l’iPhone 3GS m’avait déjà surpris en basse lumière (un exemple et puis un autre). Finalement, j’ai poursuivi mon chemin. J’étais à Pierrefonds. J’ai fait le tour du château.

Je mets ici quatre des dix photos que j’ai prises (sans retouches). Bien sûr, je n’ai eu accès à aucun réglage et j’ai dû me contenter d’une focale fixe. Évidemment, la qualité des images n’a rien à voir avec celles que produit mon Canon EOS 5D Mark II (surtout dans ces conditions de faible luminosité où une grande sensibilité et une grande dynamique sont des atouts de taille). Mais, je n’avais pas le poids du reflex et l’iPhone 3GS a pleinement rempli son rôle de bloc-notes photo.

J’étais moins dans la recherche esthétique, plus dans le rassemblement de traces. Donc, c’était différent, intéressant. Toutefois, je garderai l’expérience en mémoire notamment pour ne pas oublier mon appareil photo la prochaine fois !

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Lhasa de Sela, et ce que j’aime le plus en musique

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J’ai appris aujourd’hui que le concert de Lhasa de Sela prévu le 19 octobre à l’Olympia était annulé. C’est une bien triste nouvelle… Vais-je pouvoir assister à un autre concert ?… J’ai beaucoup écouté ses deux premiers albums, avec un faible pour la chanson La Celestina (issue de La Llorona, sorti en 1998). Et en ce moment, je me régale avec le troisième album, intitulé simplement Lhasa. Cet album contient une chanson que je me passe régulièrement en boucle : Love Came Here. Il se trouve qu’elle représente de mon point de vue un certain accomplissement musical. En effet, cette chanson regroupe à elle seule l’essentiel de ce que j’aime le plus en musique.

Ce que j’aime le plus en musique… C’est la question que je me suis posée en allant retrouver Pierre Journel il y a quelques semaines. Il lançait un nouveau podcast : La Chaîne Guitare. Et il m’avait proposé en quelque sorte de lui servir de cobaye en répondant à ses questions axées sur la passion pour la guitare (voir l’interview). Finalement, je n’ai pas utilisé les notes que j’avais prises dans le train sur ce que j’aime le plus en musique, mais les voici : liberté, sensualité, mélange, personnalité, énergie et onirisme.

La liberté : comme l’air insufflé par l’esprit du jazz, comme l’anticonformisme du rock, comme l’énergie du blues. Dans Love Came Here, on la retrouve partout. Mais je pense surtout au solo de guitare, tout juste sorti de nulle part. Ce guitariste est d’ailleurs en totale liberté sur tout le morceau, jusqu’à la dernière note, presque fantomatique. Notons au passage que cette chanson ne dispose pas de refrain, une liberté de plus.

La sensualité : celle dégagée par les petites formations dont l’émotion de chaque membre est perceptible, celle de la couleur sonore d’un instrument acoustique, celle d’un album à la réalisation organique (le premier d’Adrienne Pauly par exemple), celle des morceaux d’Antonio Carlos Jobim. Love Came Here, c’est (presque) tout ça. Il y a cette contrebasse, envoûtante… Il y a la voix de Lhasa de Sela : profonde, libre, émouvante. Et puis il a le texte, l’éternité d’un amour.

Le mélange… Tiens, comme les multiples expériences musicales de DJ Zebra ! Love Came Here ne connaît pas de frontières. Lhasa de Sela et ses musiciens intègrent ce que le monde a à leur offrir. Love Came Here nous transmet cette richesse.

La personnalité : art, création… Ou plus prosaïquement : originalité, innovation… Love Came Here est pour moi une création artistique d’une grande ampleur, ne serait-ce que par cet aspect : un point de vue personnel sous une forme que je n’avais jamais entendue.

L’énergie : celle d’une guitare qui claque, comme celle d’Angus Young sur Back in Black, comme le premier album de Rage Against The Machine. Oui, Love Came Here propose aussi des accords plaqués à la guitare qui sont d’une grande puissance, sur les coups de caisse claire de la batterie. Justement, la batterie, elle relance le morceau à l’occasion du troisième couplet. On ne peut qu’être emporté.

L’onirisme : comme celui du film Dead Man (de Jim Jarmusch, avec Johnny Depp), comme celui du phrasé de David Gilmour à la guitare sur les nombreux albums de Pink Floyd, comme celui du texte de La nuit je mens chanté par Alain Bashung. Par sa simplicité et sa précision, la réalisation sonore de Love Came Here nous offre un espace particulièrement large, tout comme le jeu à la guitare solo que j’évoquais plus haut. C’est tout un monde que Lhasa de Sela nous propose d’explorer.

Pour le dire de manière plus succincte : la chanson Love Came Here constitue un lieu esthétique où je me sens extrêmement bien.

Mon deuxième livre sur les jeux vidéo

Je parlais dans ma note précédente de mon premier livre sur les jeux vidéo : Émulation et jeux vidéo (paru en 2001 chez Micro Application). Depuis sa publication, je travaille sur un second livre sur le sujet : Video Game Screenshots: Cartridge Quintessence. Ce livre, écrit en trois langues avec Lilian Piluso, présentera une sélection d’environ 250 jeux vidéo sortis en cartouche sur les systèmes suivants (quelques précisions entre parenthèses, en particulier les noms dans les autres régions du monde) :
  • Atari 2600 ;
  • Atari 8-bit (notamment Atari XE Sytem) ;
  • Nec PC Engine (Nec Turbo Grafx 16) ;
  • Nintendo Entertainment System (Nintendo Famicom) ;
  • Nintendo Super NES (Nintendo Super Famicom) ;
  • Nintendo 64 ;
  • Sega Master System (Sega Mark III) ;
  • Sega Mega Drive (Sega Genesis) ;
  • SNK Neo Geo.

Au départ, j’ai travaillé sur beaucoup plus de systèmes (y compris l’arcade), mais il y a fallu n’en garder que quelques-uns pour éviter d’avoir un livre hors norme au niveau du nombre de pages. À ce propos, quelques discussions avec Winnie Forster de GAMEplan m’ont permis d’affiner l’axe éditorial. Il s’agit donc d’une sélection de jeux vidéo en cartouche, hors consoles portables. Ce support ancre la sélection dans le temps et sur le marché des consoles de jeu. Une partie du livre explique la démarche et l’autre présente la sélection. Pour chaque jeu, il y a sur une page :
  • le titre ;
  • l’année de sortie ;
  • la photo de la console concernée ;
  • des informations additionnelles (titre alternatif, nom de la console, éditeur, développeur, nom de la série et informations sur la version d’arcade s’il y a lieu) ;
  • un texte de présentation (merci à Lilian Piluso pour la rédaction) en trois langues (allemand, anglais et français) ;
  • une photo de l’écran de titre (1/8 de la page) ;
  • une photo du premier niveau (la moitié de la page).

La particularité de ce livre est de proposer des photos d’écran de haute qualité. Non pas des copies d’écrans réalisées à l’aide d’émulateurs, mais de réelles photos prises sur un téléviseur à tube cathodique affichant le signal provenant des consoles d’origine. L’idée est de reproduire, dans un média à haute résolution (un livre), le rendu visuel des jeux correspondant à ce que les joueurs ont vu. L’ambition est donc liée à la conservation de ce rendu si particulier (avec des lignes horizontales clairement visibles).

Cette approche est complexe :
  1. Il faut faire la sélection en croisant des critères simples. J’ai un certain nombre d’heures de jeu derrière moi et une solide documentation, mais je ne suis pas expert dans tous les genres et sur toutes les consoles. J’ai donc soumis des versions préliminaires de ma sélection à des amis, divers contacts et plus largement sur des forums spécialisés, comme ceux du site Gros Pixels.
  2. Il faut regrouper de nombreuses informations sur les jeux. Je me suis aidé de quelques grosses bases de données, par exemple Moby Games.
  3. Il faut posséder toutes les consoles et tous les jeux en question. Cela m’a pris plusieurs années. Heureusement que certains contacts au Japon et aux USA ont pu parfois me dépanner.
  4. Il faut prendre les photos. C’est un sujet difficile pour de multiples raisons, notamment : il faut éviter les bandes trop sombres ou trop claires sur l’image, et l’effet de moiré (comme un scintillement visible sur la photo). Après avoir testé différents équipements de vidéo professionnelle, j’ai finalement trouvé une solution vraiment satisfaisante.
  5. Il faut écrire les textes de présentation. Pour cela, j’ai eu la chance de rencontrer Lilian Piluso qui a rédigé tous ces textes.

Autre point capital : il faut que je trouve un éditeur…

Voici la couverture de mon premier livre, Émulation et jeux vidéo :

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