Les débuts du Web grand public vus du côté d’un fournisseur d’accès à Internet

Suite à certains souhaits émis par des lecteurs de ce blog dans les commentaires de mes dernières notes, me voici en train d’aborder un autre sujet fortement axé sur l’informatique… Les débuts du Web grand public vus du côté d’un fournisseur d’accès à Internet (FAI). Je glisse vers ce thème puisqu’à partir du milieu des années 90, j’ai commencé à collaborer avec un FAI qui se lançait. Avant cet épisode, j’avais participé à des travaux de la même entreprise dans le monde du Minitel…

Être fournisseur d’accès à Internet, c’était au départ : louer une ligne spécialisée de 64 kb/s et en distribuer le débit sur quelques modems (voir illustration ci-dessous). Un Power Macintosh Workgroup Server 9650 d’Apple, qui tournait sous Mac OS 8.0, cumulait presque tous les rôles (je mets entre parenthèses le nom des logiciels utilisés) : serveur HTTP (WebSTAR, accompagné de MacPerl), serveur de messagerie (EIMS), serveur FTP (FTPd) et serveur DNS (QuickDNS Pro Server). Étaient aussi installés sur ce Mac : AppleShare IP (pour étendre Mac OS au niveau du partage de fichiers) et Timbuktu (pour l’administration à distance). Ça fonctionnait drôlement bien !

La collaboration s’est faite au départ sur la réalisation et la refonte de plusieurs sites Web statiques. Cela concernait des entreprises et des institutions locales. J’écrivais les pages HTML dans un simple éditeur de texte et j’y ajoutais un peu de code JavaScript, surtout pour la gestion des images dans les menus. Je faisais aussi des animations au format GIF, c’était très tendance à l’époque 😉

Un peu plus technique : j’avais réalisé une visite virtuelle d’une ville avec la technologie QuickTime VR, donc avec une navigation au sein de photos panoramiques. J’étais loin de bénéficier de l’environnement technique idéal : je n’avais qu’un appareil photo numérique Apple QuickTake 150 datant de 1995, sans trépied, et ne proposant aucun réglage. De plus, toute la chaîne de production était manuelle : il n’y avait pas d’outils pour coller les images et générer des fichiers au format QuickTime VR. J’avais donc passé de nombreuses heures devant Photoshop : collage, harmonisation de la luminosité, du contraste et des couleurs, et correction des jonctions. La qualité du résultat n’était pas vraiment au rendez-vous, mais l’expérience était intéressante…

J’avais aussi développé le prototype d’une application Web de réception et d’envoi d’e-mails (POP et SMTP). C’était encourageant, mais une solution existante et gratuite répondait déjà bien au besoin : EMUmail.

À partir du début de l’année 1998, la collaboration s’est intensifiée. La ligne spécialisée avait été complétée par une réception par satellite à 512 kb/s (puis 2 Mb/s) et la connexion des abonnés se faisait via des lignes Numéris ou un boîtier 3COM à 56 kb/s, vitesse qui n’avait pas encore été normalisée. En plus du Mac, trois serveurs étaient présents, l’un sous Linux et les deux autres sous Windows NT Server 4.0. Sur l’un des PC sous Windows, il y avait : Apache pour le Web (accompagné de Perl et PHP), War FTP Daemon comme serveur FTP, Spaghetti Proxy Server pour le cache, Omni-NFS comme serveur DNS et EMUmail comme passerelle pour les e-mails. Sur l’autre (que j’avais assemblé et installé) : War FTP Daemon comme serveur FTP, Internet Infomation Server pour le Web et quelques autres technologies de Microsoft pour les sites dynamiques en ASP (InterDev, FrontPage et Access).

Les tâches d’administration étaient assez standards : maintenance des serveurs, traitement des pannes, gestion des utilisateurs, mise en place des sites Web, mise à jour de ces sites, surveillance des onduleurs et gestion des sauvegardes sur bandes et cartouches. Un nouvel abonnement était l’occasion d’enchaîner plusieurs actions : création du compte, création d’une ou des adresses e-mail et ouverture d’un espace Web. Et pour la mise en place d’un site Web, il fallait : enregistrer un ou des noms de domaines (auprès de l’InterNIC, 70 $ pour deux ans), en récupérer la gestion DNS (par le biais de nombreux échanges d’e-mails), créer la table de routage dans les serveurs DNS, ouvrir l’espace Web et transférer les données.

Je répondais également au téléphone : clients, fournisseurs, etc. Il y avait parfois des problèmes simples à régler à propos des connexions, mais j’ai aussi eu quelques conversations surréalistes. Je me souviens de l’une d’entre elles en particulier : j’avais dû expliquer à un employé de France Télécom où trouver la touche @ sur son clavier afin qu’il puisse m’envoyer un e-mail…

Avant de travailler sur un site Web plus conséquent que les autres (prochain paragraphe), j’ai fait principalement deux types de développements : du code pour le traitement de formulaires et des applications Web. La première application, GenIndex, était un outil de référencement multiple. À partir de données saisies dans un formulaire, GenIndex référençait un site Web sur une petite quinzaine de moteurs de recherche. Google ne figurait pas dans la liste des moteurs, car je parle là d’un temps où Google Inc. (qui date de septembre 1998) n’existait pas encore ! La seconde application, Symade, était un petit système de gestion de contenu. À partir d’une page d’accueil, l’administrateur pouvait ajouter des pages Web simples dont il définissait le contenu. Là encore, je parle d’un temps où… 😉

L’une des plus grosses réalisations que j’ai faites pendant cette période était le site Web d’un grand groupe. Ce groupe disposait d’une charte graphique assez élégante et j’avais pris plaisir à la décliner pour le Web. Outre les rubriques standards que l’on retrouvait à ce moment-là sur la plupart des sites, il fallait intégrer une grosse base de données sur les produits du groupe et proposer une fonction de recherche dans ce catalogue. Une contrainte : utiliser les technologies de Microsoft. Donc, souvenir déplaisant : l’installation et l’utilisation des produits Microsoft (installations laborieuses, redémarrages multiples, incompatibilités logicielles et matérielles, interdépendance des logiciels, lourdeurs, plantages, lacunes fonctionnelles, etc.). Souvenir agréable : l’accueil d’un stagiaire et sa formation aux différentes pratiques de l’entreprise. Il venait aussi de l’UTC et il a repris mon travail quand je suis parti faire de la recherche dans le privé.

Voici une photo de quelques modems distribuant le débit d’une ligne spécialisée (photo prise à l’époque avec un appareil photo numérique Apple QuickTake 150 datant de 1995) :

013modems

4 réflexions sur “Les débuts du Web grand public vus du côté d’un fournisseur d’accès à Internet

  1. Ravi de voir ton appréciation sur la performance des RS/6000 sous AIX. J’avais installé NextStep sur des RS6000 en double boot (AIX et Next!) en DESS à Nantes, l’idéal pour l’éducation. Avec le rachat de Next par Apple, et le fait que tout était en Noir et Blanc et en 7 bits …donc pas de Francisations possibles pas d’accents etc ….IBM a arrété la coopération avec NeXt dommageTu es arrivé au bon moment pour bénéficier de toutes cette croissance de moyens et méthodes informatiques pour réaliser tes rêves. Mais comment fais tu pour enseigner à tes éléves en si peu de temps ce que tu as mis des années étape par étape à appréhender, à utiliser et à améliorer?Pédagogie?En passant …hier soir en club photo on a utilisé l’outil pédagogique sur les réglages de l’appareil photo développé par ton équipe, super sympa et efficaceMerci

  2. <div dir="ltr">AIX et NeXTSTEP sur une même station, ça devait être drôlement sympa ;-)<div>Et donc, je suis bien content que Déclenchez-moi te soit utile !</div><div>Pour répondre à ta question, j'enseigne avec des objectifs pédagogiques clairement définis, ce qui permet de sélectionner le contenu.</div></div>

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